La vidéo en ligne

Le marché des services de webdiffusion par abonnement est en pleine expansion. De grandes entreprises américaines viennent se frotter à Netflix et Amazon. Certaines d’entre elles rapatrient sous leur enseigne les nombreuses productions sur lesquelles elles touchaient des droits pour leur diffusion par d’autres acteurs, tant en ligne qu’en mode traditionnel. Disney, Warner Media (HBOMax) et NBCUniversal croient ainsi faire plus d’argent. Pour sa part, Apple se lance dans les productions originales pour alimenter sa plateforme. L’entreprise estime que le grand nombre de personnes utilisant ses appareils lui confère un avantage concurrentiel. Pour survivre, ces webdiffuseurs aux ambitions internationales devront gagner le cœur de millions d’abonnés. Il n’est pas certain que tous y parviennent. D’autant qu’ils font face, hors des frontières étatsuniennes, à des compétiteurs nationaux qui s’appuient sur des produits locaux. Ici, il s’agit de Club illico (Québecor), Tou.tv Extra (Radio-Canada) et Crave TV (Bell), qui accroissent d’ailleurs leur offre.

Sans compter les deux autres types de services : ceux pour lesquels le client paie uniquement pour le contenu visionné tels qu’iTunes, Google Play et Microsoft Movies & TV et ceux financés par la publicité comme YouTube et Facebook.

Selon le cabinet Omdia dont les données sont rapportées par le CRTC, les revenus de l’ensemble des services de vidéo sur demande (VSD) par Internet auraient atteint environ 4,9 milliards de dollars au Canada en 2023. Il s’agit d’une hausse de 16 % comparativement à l’année précédente, et d’une augmentation de 26 % par rapport à 2021. C’est loin d’être négligeable quand on pense que ceux de tous les diffuseurs privés s’élèvent à 5,18 milliards et qu’ils ont reculé de 7 % en 2023. Les services par abonnement recueillent plus de la moitié (56 %) des revenus de tous les VSD. À lui seul, Netflix en amasse 31 % (1,5 milliard $, soit 200 millions de plus qu’en 2021). La seconde place appartient à YouTube qui en accapare 27 % (1,4 milliards, en légère hausse). Viennent ensuite Facebook avec 5 % (262 millions, en hausse d’environ 1 %) et iTunes avec 3 % (127 millions, en baisse de 27 %). 

1. Évolution des revenus des services de vidéo en ligne au Canada de 2012 à 2023

Le budget dont les gens disposent étant limité, bon nombre de foyers choisissent maintenant de ne plus souscrire à un service de distribution de radiodiffusion. Les Vidéotron, Bell, Cogeco et autres entreprises du genre au Canada ont perdu quelques 2 million de clients depuis le sommet atteint en 2012 (dont 300 000 en 2023). Quelque 68 % des Canadiens bénéficiaient d’un tel abonnement en 2024. Cette même année, la proportion était de 66 % au Québec, d’après l’enquête de l’ATN1. D’ailleurs, la proportion d’abonnés à un service payant de visionnement en ligne de type Netflix dépasse maintenant cette marque par 7 points de pourcentage (73 %).

Les services de télévision spécialisée ressentent une baisse de 3,6 % dans ce qu’ils collectent de leurs abonnés en 2023 par rapport à en 2022. La situation est pire pour ceux qui, ayant renoncé à la publicité, comptent presque exclusivement sur les dollars des utilisateurs, tels Crave, illico sur demande et Indigo. De 2012 à 2023, les sommes que ces services ont reçues de leurs clients ont diminué de 70 % ou de 266 millions de dollars.

2. Évolution des revenus des services traditionnels financés presque exclusivement par les utilisateurs* au Canada
 

* Il s’agit des services sur demande et à la carte. Les services dits facultatifs qui tirent leurs revenus tant des utilisateurs que de la publicité sont exclus. Avant 2022, environ 2 % des sommes indiquées dans ce graphique ne proviennent pas des utilisateurs (ni de la publicité). Source : CRTC, Rapports sur le marché des communications – Données ouvertes et diverses éditions du Rapport de surveillance des communications.

Le visionnement de vidéos par Internet est maintenant une pratique largement répandue. Plus de neuf Canadiens sur dix (93 %), qu’ils soient francophones ou anglophones, en consomment au moins une fois par mois. Sur une base hebdomadaire, l’écoute de la télévision de manière classique a régressé de 6 heures depuis 2013, alors que celle par Internet a gagné presque 11 heures. Les Canadiens de 18 ans et plus regardent la télévision en mode traditionnel pendant 23,3 heures par semaine, comparativement à 12,6 heures sur le Net3. Trente pour cent des Canadiens n’en consomment qu’en ligne : 31 % chez les anglophones et 23 % chez les francophones. Sans surprise, cette façon de faire est considérablement plus répandue parmi les 18-34 ans où elle est adoptée par 49 % des Canadiens. À l’inverse, elle n’intéresse que 7 % des 50-64 ans.  

L’écoute d’une production vidéo en ligne rejoint plus de 89 % de chacun des deux groupes linguistiques. Le visionnement de films et l’écoute de nouvelles sont des pratiques moins courantes : chez les francophones, ils ne concernent que 39 % de la population dans le premier cas, et 54 % dans le second. Dans les deux situations, les écarts entre les communautés sont assez importants. Il en va de même au regard de la fréquentation de Netflix. La barrière de la langue de même que l’attachement des francophones aux histoires et vedettes d’ici protègent partiellement nos diffuseurs.

3. Pourcentage des Canadiens qui ont visionné des vidéos en ligne au cours du dernier mois, par langue, en 2023

Source : CRTC, Rapports sur le marché des communications — Données ouvertes (août 2024). *Les données pour les extraits de vidéos de sport en ligne datent de 2021. **Les données pour les films en ligne datent de 2022.

En 2024, 73 % des adultes québécois sont abonnés à un service payant de vidéo en ligne. Il s’agit d’un gain de 9 points de pourcentage par rapport à 2023 et de 20 depuis 2019. La proportion est de l’ordre de 89 % chez les 18-24 ans.

4. Évolution de la proportion d’adultes québécois abonnés à un service payant de vidéo en ligne

Source : ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024.

Netflix domine ce marché, suivi par Amazon Prime Video, Disney +, Crave et le Club Illico. Le premier rejoint un peu plus de la moitié des foyers, le second plus du tiers, le troisième près du quart, pendant que les deux autres se situent entre 17 et 15 %. Amazon a gagné 14 points de pourcentage par rapport à 2021, Disney + en a gagné 6 et Netflix en a perdu 3. Le Club Illico et Extra Tou.tv ont à peu près maintenu leur position.

5. Proportion des internautes québécois abonnés à des services payants de vidéo en ligne en 2024

Source : ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024.

Les trois services américains que sont Netflix, Amazon Prime Video et Disney + dépassent encore plus largement leurs vis-à-vis canadiens chez les 25-34 ans. Le premier pénètre chez 72 % de ces jeunes internautes, Amazon chez 60 % et Disney + chez quelque 46 %. Les trois canadiens pointent entre 27 et 13 %.

6. Proportion des internautes québécois abonnés à des services payants de vidéo en ligne chez les 25-34 ans en 2024

Source : ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024.

Mentionnons en terminant que Netflix est bien plus populaire ailleurs au pays. Ainsi, selon les données de l’Observateur des technologies médias rapportées par le CRTC, 62 % de l’ensemble des Canadiens y sont abonnés comparativement à 54 % pour le Québec4.

Mise à jour : mars 2025

Notes

[1] ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024. Cette enquête a été réalisée auprès de répondants de 18 ans et plus.

[2] Il s’agit pour la majeure partie des redevances incluses dans les frais d’abonnement à un service de distribution. La diminution s’élève à 127 millions de dollars.

 [3] Celle-ci y est définie comme « émission entière ou des extraits d’émissions de télévision regardés au moyen d’un ordinateur, d’un téléphone intelligent, d’une tablette ou d’un téléviseur connecté à Internet ». Données provenant de Numeris et de l’Observateur des technologies médias, citées par le CRTC dans les Rapports sur le marché des communications — Données ouvertes.

 [4] CRTC, Rapports sur le marché des communications — Données ouvertes. Ces données concernent l’année 2024.