Le marché des services de webdiffusion par abonnement est en pleine expansion. Plusieurs entreprises, souvent américaines, viennent se frotter à Netflix et à Amazon. Certaines d’entre elles, qui produisaient déjà des contenus audiovisuels, rapatrient sous leur enseigne de nombreux contenus sur lesquels elles touchaient des droits pour leur diffusion par d’autres acteurs, tant en ligne qu’en mode traditionnel. Disney, Warner Media (HBOMax), Paramount et d’autres croient ainsi faire plus d’argent. Pour sa part, une entreprise technologique comme Apple se lance dans les productions originales pour alimenter sa plateforme. Elle estime que le grand nombre de personnes utilisant ses appareils lui confère un avantage concurrentiel. Certains acteurs préfèrent, de leur côté, offrir un catalogue plus niché. C’est le cas entre autres du Criterion Channel et de MUBI, qui accordent dans leur offre respective une grande place aux films de répertoire ou à des productions artistiques au potentiel commercial moindre. Pour survivre, ces webdiffuseurs aux ambitions internationales devront gagner le cœur d’un nombre conséquent d’abonnés. Il n’est pas certain que tous y parviennent. D’autant qu’ils font face, hors des frontières étatsuniennes, à des compétiteurs nationaux qui s’appuient sur des produits locaux. Ici, il s’agit d’acteurs tels qu’illico+ (Québecor), Tou.tv Extra (Radio-Canada) et Crave (Bell), qui accroissent d’ailleurs leur offre.
Sans compter que d’autres types de services existent ; des services à la carte, pour lesquels le client paie uniquement pour le contenu visionné (Cineplex par exemple), et d’autres financés uniquement par la publicité (Plex, Tubi). Certains acteurs jouent d’ailleurs sur de multiples fronts, permettant à la fois l’achat de contenus et le visionnement à la carte tout en offrant divers types d’abonnement, avec et sans publicité. Les appareils de télévision intelligents ou les modules permettant des les connecter en ligne (Roku, Firestick) viennent maintenant souvent eux-mêmes avec leurs propres applications permettant l’accès gratuit à des chaînes en continu en ligne.
Selon le cabinet Omdia, dont les données sont rapportées par le CRTC, les revenus de l’ensemble des services de vidéo sur demande (VSD) par Internet auraient atteint environ 4,9 milliards de dollars au Canada en 2023. Il s’agit d’une hausse de 19 % comparativement à l’année précédente et d’une augmentation de 35 % par rapport à 2021. C’est loin d’être négligeable quand on pense que ceux de tous les diffuseurs privés s’élèvent à 5,18 milliards et qu’ils ont reculé de 6 % en 2023. Les services par abonnement recueillent plus de la moitié (56 %) des revenus de tous les VSD. À lui seul, Netflix accapare presque le tiers (31 %) des revenus des vidéos en ligne (1,5 milliard $, soit 200 millions de plus qu’en 2021). YouTube en accapare 27 % (1,4 milliards, en légère hausse). Viennent ensuite Facebook avec 5 % (262 millions, en légère hausse) et Apple TV avec 3 % (127 millions, en baisse de 21 %).
1. Évolution des revenus des services de vidéo en ligne au Canada de 2012 à 2023

Source: CRTC, Rapports sur le marché des communications – Données ouvertes. *Les données ne sont plus mises à jour depuis 2023. ** Les données sont des estimations effectuées grâce aux données rendues publiques et sont sujettes à changement. De fait, certaines estimations ont été mises à jour en 2021, ce qui complique la comparaison avec les années précédentes.
Le budget dont les gens disposent étant limité, bon nombre de foyers choisissent maintenant de ne plus souscrire à un service de distribution de radiodiffusion. Les Vidéotron, Bell, Cogeco et autres entreprises du genre au Canada ont perdu quelques 2 millions de clients depuis le sommet atteint en 2012 (dont 300 000 en 2023). Quelque 68 % des Canadiens bénéficiaient d’un tel abonnement en 2024. Cette même année, la proportion était de 66 % chez les internautes adultes au Québec, d’après l’enquête de l’ATN1. Cette même enquête indique que la proportion d’abonnés à un service payant de visionnement en ligne de type Netflix dans la province dépasse maintenant cette marque par 7 points de pourcentage (73 %).
Les services de télévision spécialisée ressentent une baisse de 3,6 % dans les sommes qu’ils collectent des abonnements en 2023 par rapport à en 2022. La situation est pire pour ceux qui, ayant renoncé à la publicité, comptent presque exclusivement sur les dollars des utilisateurs, tels Crave, illico sur demande et Indigo. De 2012 à 2024, les sommes que ces services ont reçues de leurs clients ont diminué de 70 % ou de 266 millions de dollars.
2. Évolution des revenus des services traditionnels financés presque exclusivement par les utilisateurs* au Canada

* Il s’agit des services sur demande et à la carte. Les services dits facultatifs qui tirent leurs revenus tant des utilisateurs que de la publicité sont exclus. Avant 2022, environ 2 % des sommes indiquées dans ce graphique ne proviennent pas des utilisateurs (ni de la publicité). Source : CRTC, Rapports sur le marché des communications – Données ouvertes et diverses éditions du Rapport de surveillance des communications.
Sur une base hebdomadaire, le temps passé à visionner la télévision de manière classique a régressé de 6 heures depuis 2013, alors que le visionnement par Internet a gagné presque 11 heures. Les Canadiens de 18 ans et plus au pays regardent la télévision en mode traditionnel pendant 23,3 heures par semaine, comparativement à 12,6 heures sur le Net2. Trente pour cent des Canadiens n’en consomment qu’en ligne : 31 % des anglophones et 23 % des francophones. Sans surprise, cette proportion est nettement plus élevée parmi les 18-34 ans, alors qu’environ la moitié d’entre eux (49 %) ne consomment des émissions, films et vidéos qu’en ligne. À l’inverse, ce n’est le cas que de 7 % des 50-64 ans.
La consultation de vidéos en ligne rejoint 92 % des adultes au pays : 90 % des francophones et 92 % des anglophones. Cet écart entre ces deux groupes s’observe pour les différents types de productions en ligne, mais est plus marqué pour les films et les contenus de nouvelles. Dans le premier cas, 65 % des adultes anglophones et 54 % des francophones en ont visionnés en ligne dans le mois précédant l’enquête. Pour ce qui est des contenus de nouvelles, ils ont été consultés par 48 % de la population adulte anglophone et par 40 % de celle francophone. La barrière de la langue, de même que l’attachement d’une part des francophones aux histoires et vedettes d’ici, du moins chez les plus âgés, protègent partiellement nos diffuseurs. Il est aussi possible de constater que l’écoute de contenus sur la plateforme Netflix semble plus populaire chez les Canadiens anglophones (56 %) que chez les Canadiens francophones (48 %).
3. Pourcentage des adultes canadiens qui ont visionné des vidéos en ligne au cours du dernier mois, par langue, en 2024

Source : CRTC, Rapports sur le marché des communications — Données ouvertes (août 2024). *Les données pour les extraits de vidéos de sport en ligne datent de 2021. **Les données pour les films en ligne datent de 2022.
En 2024, 77 % des internautes adultes québécois sont abonnés à un service payant de vidéo en ligne. Il s’agit d’un gain de 9 points de pourcentage par rapport à 2023 et de 20 depuis 2019. Cette proportion est de l’ordre de 89 % chez les 18-24 ans.
4. Évolution de la proportion d’adultes québécois abonnés à un service payant de vidéo en ligne

Source : ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024.
Netflix domine ce marché, suivi par Amazon Prime Video, Disney+, Crave et Club illico (fusionné avec la plateforme Vrai pour créer illico+ en octobre 2024). Le premier rejoint un peu plus de la moitié des foyers québécois (54 %), le second en rejoint 41 %. Amazon Prime Video a gagné 14 points de pourcentage par rapport à 2021, Disney +, à 24 %, en a gagné 6 et Netflix en a perdu 3. Chez les acteurs canadiens, Crave se situe à 17 %, une hausse de 9 points de pourcentage depuis 2021, Club illico à 15 % et Extra Tou.tv à 10 %. Dans ces deux derniers cas, il s’agit de parts similaires à celles obtenues en 2021.
5. Proportion des internautes québécois abonnés à des services payants de vidéo en ligne en 2024

Source : ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024.
Les trois services américains que sont Netflix, Amazon Prime Video et Disney+ dépassent encore plus largement leurs vis-à-vis canadiens chez les 25-34 ans de la province. Le premier est accessible à 72 % de ces internautes, Amazon Prime Video à 60 % et Disney+ à 46 %. Les trois services canadiens pointent entre 27 et 13 %.
6. Proportion des internautes québécois abonnés à des services payants de vidéo en ligne chez les 25-34 ans en 2024

Source : ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024.
Mentionnons, en terminant qu’en termes d’abonnements pour l’année 2024, Netflix est plus populaire ailleurs au pays. Ainsi, selon les données de l’Observateur des technologies médias rapportées par le CRTC, 60 % de l’ensemble des Canadiens y sont abonnés, comparativement à 54 % pour le Québec seulement3.
Mise à jour : septembre 2025
Notes
[1] ATN, Portrait numérique des foyers québécois, NETendances 2024. Cette enquête a été réalisée auprès de répondants de 18 ans et plus. ↑
[2] Celle-ci y est définie comme « émission entière ou des extraits d’émissions de télévision regardés au moyen d’un ordinateur, d’un téléphone intelligent, d’une tablette ou d’un téléviseur connecté à Internet ». Données provenant de Numeris et de l’Observateur des technologies médias, citées par le CRTC dans les Rapports sur le marché des communications — Données ouvertes. ↑
[3] CRTC, Rapports sur le marché des communications — Données ouvertes. Ces données concernent l’année 2024. ↑